17 mai 2018

21/ La sonate à Bridgetower



Frederick de Augustus de Bridgetower arrive à Paris avec son fils George, jeune virtuose du violon. Le père veut faire connaître son fils de l'aristocratie parisienne, et, tel Mozart quelques années auparavant, les portes des théâtres vont s'ouvrir et la renommée du jeune musicien ne tarde pas à générer de grandes admirations. Réussite d'autant plus méritante que le père est noir et son fils mulâtre, ce qui à l'époque ne jouait pas forcément en leur faveur.
Mais l'aventure ne s'arrêtera pas là, parce que les Bridgetower se retrouvent à Paris en avril 1789, période plutôt trouble, et les événements vont les pousser à rejoindre une autre capitale européenne: Londres, puis le parcours s'achèvera à Vienne retour au pays natal de George.
L'auteur va leur faire rencontrer des personnages illustres : Olympe de Gouge, Condorcet, Jefferson (qui est à l'origine de la célèbre formule "Tous les hommes naissent libres et égaux", mais en excluait les Noirs, les Indiens et les femmes!), Saint-George et Alex Dumas, célèbres métis, et surtout Beethoven, extraordinaire, qui écrira une sonate à notre héros, mais...!
George Bridgetower, 1800
Chevalier de Saint-George
© DR Portrait du général Dumas (peinture d'Olivier Pichat datant de 1860), musée Alexandre Dumas, Villers-Cotterêts

De nombreux thèmes vont être abordés, dont bien sûr celui de l'esclavage, incontournable, et j'ai appris beaucoup de choses, comme par exemple, que les Irlandais ont été mis en esclavage et étaient moins bien traités que les esclaves noirs, c'est donc peu dire! Dongala nous explique pourquoi il y a si peu de Noirs au Maghreb et autres pays arabes (voir extrait ci-dessous).
Il nous présente une vision très réaliste sur ce Siècle des Lumières, qui d'un côté sera riche en idées, en innovations politiques, culturelles aussi bien que scientifiques et qui de l'autre laissera émerger une violence et des injustices sanglantes, étouffant dans l'oeuf des progrès qui seront retardés parfois de plus de cent ans!
Fusillade au faubourg Saint-Antoine, le 28 avril 1789, après le pillage de la maison et de la manufacture de Réveillon.
Les personnages ne sont pas tout beaux tout gentils, les caractères s'affrontent, il y a de nombreux rebondissements. Lecture très heureuse, qui m'a fait approcher des personnages historiques à fort tempérament et plonger dans des événements incroyables.

p.113:
"- Vois-tu, ces esclavagistes-là ne raisonnent pas comme ceux que ton père a connu dans les Caraïbes. Pour ces derniers, que les esclaves se reproduisent est souhaité et même encouragé car essentiel pour leur prospérité. C'est comme avoir du cheptel; plus il se multiplie, plus le propriétaire devient riche. Cette logique économique n'existe pas chez les négriers arabo-musulmans, obnubilés qu'ils sont par la crainte de voir ces Noirs prendre souche et avoir des relations sexuelles avec les femmes des harems dont ils sont les gardiens et les serviteurs.Il fallait donc en faire des eunuques, c'est-à-dire les castrer. Pire encore, comme eux-mêmes ne se privaient pas de violer les femmes noires, les enfants qui en résultaient étaient systématiquement éliminés! 
[...]
Pose-toi la question, mon cher Frederick, comment expliques-tu aujourd'hui la présence d'une population noire aussi nombreuses dans les Amériques alors que dans les sultanats et les califats, malgré la masse innombrable qui y a été importée, ce n'est pas le cas? Où sont passés tous ces Noirs qui ont traversé la mer Rouge en direction de la péninsule Arabique, entassés dans des boutres dans les conditions les plus atroces? Crois-tu qu'ils ont tout simplement disparu comme ça dans un immense trou noir? Non! C'est le résultat de ces pratiques ignominieuses. Castration et infanticide!"

Aucun commentaire: