26 juin 2018

28/ La Belle du Gévaudan



J'aime bien la couverture et comme c'est un cadeau, dédicacé en plus, j'espérais vraiment aimer ce livre. Mais non! Axel Monge, le flic du roman, se la joue gros bras, a un humour à deux balles insupportable, surtout au début. Ses collègues de Mende nous sont présentés rapidement: "Lui, il est feignant, lui, il est nul, elle, elle est bien." J'exagère à peine! On ne les rencontre pas vraiment, donc aucune empathie. 

Des meurtres liés à l'histoire de la Lozère, c'était une super idée, la cathédrale de Mende, Du Guesclin, la Bête du Gévaudan, les clochers à peigne, la Résistance, les Guerres de Religions, Sainte-Enimie, Mandrin, le Vicomte de Morangiès...ça tourne au tourisme expéditif: on s'arrête, on prend une photo et on se casse! On attend beaucoup plus sur cette terre d'Histoire et d'histoires.  J'ai quand même apprécié la manière qu'a Ybtissem, la jeune historienne qui tombe très rapidement dans les bras de notre héros, de raconter certains événements historiques. C'est assez drôle. Mais ce sera le seul point positif pour moi.
Ça manque de profondeur, ça manque de chair, dommaaaage!

"Retour à la brigade. Après deux mois de congés obligatoires. À cause de cette putain d'affaire.
Un vague bonjour du plancton. Une traversée expéditive des couloirs. Pas un salut, des têtes qui se détournent. Je suis devenu un pestiféré. Mon burlingue n'a pas bougé. Exceptionnellement en ordre. Pas un papier, juste l'ordinateur. J'avais trié et classé, le jour de mon départ. Je pensais tellement être viré. 
Un mot gisait, dérisoire, déposé sur le clavier:
Axel, merci de venir me voir dans mon bureau dès votre retour.
Un mot signé Ducon: je l'avais baptisé ainsi le jour de son arrivée, il y a cinq ans. Dès les présentations:
- Vouland. Hilaire Vouland.
Axel Monge, j'avais répondu.
Vouland, avait embrayé. Un discours qui singeait maladroitement l'impro alors qu'il l'avait appris par cœur.
- Je viens d'être nommé  à  la  tête  de  cette  brigade. Bla, bla, bla ...
 Il avait conclu sur notre collaboration qu'il souhaitait sans nuages et avait lâché au passage qu'il était de Nemours. Ducon de Nemours. Une fulgurance au jeu des surnoms, une vieille réminiscence de la communale, sans doute une des mille et une manières de tuer le père. Maître Freud saurait confirmer."

20 juin 2018

27/ Alma


Deux histoires s'entremêlent, avec deux personnages principaux, à deux époques différentes. 
Époque contemporaine: Jérémie part sur les traces du fameux dodo mauricien aujourd'hui disparu. Il découvre une île où la modernité n'apporte pas que du progrès et cherche à retrouver l'histoire de sa famille.
Époque du passé: Dominique, dit Dodo ou "Coup de ros", ce"clochard merveilleux" au regard poétique subit les agressions d'une maladie qui le fait souffrir et d'un monde en train de changer.

Ce qui les unit, c'est d'abord leur nom de famille, Felsen, riche famille de propriétaires terriens, et le lieu, Alma aujourd'hui rebaptisée Maya, symbolisant Maurice et son histoire.

Le roman baigne dans une sorte de tristesse généralisée. On croise de nombreux personnages forts, surtout féminins d'ailleurs, mais on ne fait que les aborder alors qu'on préfèrerait les suivre plutôt que ce Jérémie immature et perdu. Dodo est plus intéressant, mais il finira par se perdre aussi.

Même si les thèmes sont intéressants et riches, c'est l'histoire d'une déchéance, donc ce n'est pas très réjouissant mais en plus, hormis quelques passages, c'est écrit dans un style assez ennuyeux. J'en attendais beaucoup et donc j'ai été déçue. J'avais largement préféré Onitsha et les quelques nouvelles que j'ai pu lire de Le Clézio.

"Je suis de retour. C'est un sentiment étrange, parce que je ne suis jamais venu à Maurice. Comment peut-on ressentir cette impression pour un pays qu’on ne connaît pas."

" Tout ce peuple, arraché à ses terres, dans la profondeur africaine, au pied du Kilimandjaro, sur les rives du lac Nyassa, ou dans le pays de Galla, en Erythrée, en Ethiopie, ces hommes, ces femmes enchaînés, marchant sans fin sur un chemin semé de cadavres et d’os, prisonniers des Arabes à Kilwa, vendus à Zanzibar, empilés dans des boutres, mourant de soif, de dysenterie, de variole. Et, tout ça pour quoi ?"

"Là-bas, à Paris, le soleil ce n'est pas le soleil, c'est un cachet d'aspirine pour guérir les gens de leur mal de tête."

16 juin 2018

BD10 Jean Doux et le mystère de la disquette molle


Dessin étrange qui fait plus penser à un vieux jeu vidéo qu'à une BD. Comédie-thriller-aventure avec une pointe de surnaturel, le tout à la sauce vintage, c'est un genre plutôt rare. En plus l'action se déroule dans une entreprise qui fabrique des broyeuses à papier, sujet encore plus rare
Au bout du compte, on ne lâche pas parce qu'on veut arriver au bout de l'intrigue et on passe un bon moment, donc mission accomplie!







13 juin 2018

26/ L'Ordre du Jour


Eric Vuillard retrace deux moments clés de l'Allemagne nazie, deux moments où tout aurait pu basculer à l'inverse de ce qui a été.

Le premier est le moment où vingt-quatre des hommes les plus puissants du pays vont apporter leur soutien financier au régime. Ils profiteront plud tard d'une main d'oeuvre, gratuite et peu revendicative, qui contribuera au renforcement de ces entreprises. Pour la plupart, elles sont aujourd'hui encore parmi les plus riches du monde: Opel, Krupp, BASF, Bayer, Agfa, Siemens, Allianz, Telefunken, IG Farben, Varta.

Le deuxième moment est l'annexion de l'Autriche par une manipulation et une pression qui auraient pu exploser au visage d'Hitler mais la lâcheté de ses adversaires lui permettra une réussite totale et un accueil triomphale par la population, venue fêter en masse les nouveaux dirigeants. Ceux-ci se feront pourtant attendre et la situation est tellement ridicule qu'on pourrait en rire si on ne connaissait pas la suite des événements...

Avec des si...

extrait:
"Dans une lettre à Margarete Steffin, avec une ironie fiévreuse à laquelle le temps et les révélations d'après-guerre donnent quelque chose d'insoutenable, Walter Benjamin raconte que l'on coupa soudain le gaz aux Juifs de Vienne; leur consommation entraînait des pertes pour la compagnie. C'est que les plus gros consommateurs étaient précisément ceux qui ne payaient pas leurs factures, ajoute-t-il. À cet instant, la lettre que Benjamin adresse à Margarete prend un tour étrange. On n'est pas sûr de bien comprendre. On hésite. Sa signification flotte entre les branches, sur le ciel pâle, et lorsqu'elle s'éclaire, formant soudain une petite flaque de sens au milieu de nulle part, elle devient l'une des plus folles et des plus tristes de tous les temps. Car si la compagnie autrichienne refusait à présent de fournir les Juifs, c'est qu'ils se suicidaient de préférence au gaz et laissaient impayées leurs factures."

L'auteur évoque l'artiste Louis Soutter (1871-1942) à l'oeuvre tourmenté: "ses petits personnages obscurs, se tordant comme des fils de fer, me semblent un présage."






Récit court, terrible et passionnant, à lire et à relire, avec des mots rares comme aboulie, palinodie ou picrocholin 😮 et découverte d'un auteur dont je lirai d'autres écrits! 



10 juin 2018

25/ Tiens ferme ta couronne


Après des critiques favorables de l'intelligentsia classique (Télérama, Le Masque et la Plume, etc), puis le prix Medicis 2017  qui couronne ce roman, je suis passée outre mes réticences et je l'ai lu, d'autant qu'on me l'avait offert.
Un homme, un peu fêlé et alcoolique, a écrit un scénario de 700 pages sur Herman Melville "The great Melville" et rêve de le faire réaliser par Michael Cimino.

J'ai trouvé l'écriture très belle et des passages passionnants mais, malgré cela, globalement, je me suis ennuyée. Les moments rocambolesques sont souvent longuets et donc brisent leur effet.
Donc un grand BOF, hélas!

"A cette époque, j'étais fou. J'avais dans mes valises un scénario de sept cents pages sur la vie de Melville: Herman Melville, l'auteur de Moby Dick, le plus grand écrivain américain, celui qui, en lançant le capitaine Achab sur les traces de la baleine blanche, avait allumé une mutinerie aux dimensions du monde, et offert à travers ses livres des tourbillons de prophéties auxquels je m'accrochais depuis des années; Melville dont la vie avait été une continuelle catastrophe, qui n'avait fait à chaque instant que se battre contre l'idée de son propre suicide et, après avoir vécu des aventures fabuleuses dans les mers du Sud et connu le succès en les racontant, s'était soudain converti à la littérature, c'est-à-dire à une conception de la parole comme vérité, et avait écrit Mardi, que personne n'avait lu, puis Pierre ou les Ambiguïtés, que personne n'avait lu, puis Le Grand Escroc, que personne n'avait lu, avant de se cloîtrer pour les dix-neuf dernières années de sa vie dans un bureau des douanes de New York, et de déclarer à son ami Nathaniel Hawthorne: "Quand bien même j'écrirais les Evangiles en ce siècle, je finirais dans le ruisseau."


05 juin 2018

BD9 L'apprentie geisha

O-Tsuru (« la grue »), appelée ainsi parce que petite elle avait l'habitude de se tenir sur un pied pour réchauffer l'autre, a été vendue par ses parents pour qu'elle devienne une geisha. Elle va donc commencer comme shikomikka («apprentie ») dans une okiya : la maison où vivent les geishas. En faisant les commissions de ses aînées, Tsuru va découvrir la vie de ces femmes. Enfin, un jour, son tour arrive. Elle se rend dans la chambre de son bienfaiteur. Celui qui, en payant les frais de cérémonie, va la faire entrer dans le monde des geishas. Tsuru va alors prendre le nom de Tsurugiku et devenir une geisha célèbre dans le monde des plaisirs.

Quand Kazuo Kamimura faisait ses débuts de dessinateur de mangas, il louait un bureau au premier étage d'une maison de geishas à Agarazuka, l'un des quelques quartiers de Tokyo où vivent des geishas. C'est probablement là qu'il a découvert le monde d'élégance et de tristesse dans lequel vivent les geishas qu'il nous fait découvrir. Leur vie n'est pas aussi facile que certains films romantiques veulent le laisser croire. L'auteur montre bien la violence dont elles sont victimes et combien elles sont avant tout victimes d'un système  où la pauvreté est le motif principal pour les familles de vendre leurs filles, et non un éventuel prestige artistique!

Certaines scènes sont assez crues, mais il faut en passer par là pour rendre compte de cette vie faite d'attente, de répétitions et de servitude.  Le manga est assez long, surtout que des passages complets se répètent, peut-être parce qu'il était publié en épisode?
A part ça, BD très instructive qui mérite un détour, même si je ne suis pas follement emballée, je la conseille fortement.