20 décembre 2010

34/40: Chaleur de sang

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Les histoires d'amours présentes renvoient aux plus anciennes. La fille chérie va épouser l'homme qu'elle aime et demande "Maman, raconte-moi tes fiançailles avec papa". On baigne en plein romanesque tendre. Mais bientôt de révélations en révélations, on découvre les passions présentes ou passées, mais toujours cachées de ces âmes à l'apparence si tranquilles.
p. 99
"Le hasard voulut qu'il prononçât ces paroles dans un silence subit, ce qui fit qu'elles résonnèrent si fort que tout le monde en fut frappé. Colette, très pâle tout à coup, se taisait. Mais son père demanda avec surprise:
- Que veux-tu dire, petit?
- Je veux dire, je veux dire que si quelqu'un a oublié ici comment qu'a péri monsieur Jean, moi, je m'en souviens.
- Personne n'a oublié, dis-je, et je fis signe à Colette de se lever et de quitter la table, mais elle ne bougeait pas.
François se douta de quelque chose, mais, comme il était à mille lieues de supposer la vérité, au lieu de faire taire le gamin, il se pencha vers lui et il l'interrogea anxieusement:
- Tu veux dire que tu as vu quelque chose cette nuit-là? Parle, je t'en prie. C'est très grave.
- Faites pas attention. Vous voyez bien qu'il est saoul, dit le maître du Maluret.
Sapristi, pensais-je, ils savent, ils savent tous. Mais si cet imbécile ne parle pas, jamais ils n'en souffleront mot! Nos paysans ne sont pas bavards et craignent comme le feu d'être mêlés à quelque histoire qui ne les concerne pas. Mais ils savaient; ils baissaient tous les yeux avec gêne.
- Allons, tiens-toi, dit rudement le Maluret, tu as assez bu. On retourne au travail.
Mais François, très ému, saisit le garçon par la manche.
- Ecoute. Ne t'en va pas. Tu sais quelque chose que nous ignorons, j'en suis sûr. J'ai souvent pensé que cette mort n'était pas naturelle, on ne tombe pas dans l'eau par mégarde en traversant une passerelle que l'on connaît depuis l'enfance [...]"

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