Les peaux sombres

Symboles de malfaisance (Judas, Caïn, Dalila) ou de laideur, quelques grands personnages de la chrétienté à la peau noire vont en modifier la valeur.

"La plus ancienne est certainement la "fiancée" du Cantique des cantiques qui chante si joliment..."

La Rencontre de Saint Joachim et Sainte Anne
(Novgorod, Russie, XVIe siècle)

"Je suis noire et pourtant belle, filles de Jérusalem,
comme les tentes de Qédar,
comme les pavillons de Salma.
Ne prenez pas garde à mon teint basané :
c'est le soleil qui m'a brûlée."

La Reine de Saba, Konrad Kyeser, Bellifortis manuscrit, XVeme

"Pour la culture médiévale, la légendaire reine de Saba, qui selon la Bible rendit visite au roi Salomon et lui apporta de magnifiques présents, règne sur un pays prospère, situé au-delà de la lointaine Éthiopie."

Le prêtre Jean sur un dessin de 1800.

"Parent ou descendant de la reine de Saba [...] Depuis la seconde moitié du XIIe siècle, la papauté espère son alliance pour prendre l'Islam à revers."

Panneau central du trityque de l'Epiphanie, L'Adoration des mages, Jérôme Bosch, vers 1500. Prado, Madrid.

"Le Roi mage africain à peau noire ne fait son apparition dans les images qu'à la fin du XIVe siècle."

Saint Maurice, statue de la cathédrale de Magdebourg, Allemagne, vers 1240.

"Les saints noirs ne sont pas nombreux dans les traditions médiévales. Saint Maurice, patron des chevaliers, est le plus prestigieux. Il doit l couleur de sa peau à ses origines africaines (il passe pour être originaire de Thèbes en Haute-Egypte) et à son nom, Mauritius, construit sur l'adjectif maurus, noir."

Teindre en noir

"Jésus, âgé de sept ans et à qui Marie et Joseph veulent faire apprendre un métier, est placé en apprentissage chez un teinturier de Tibériade. Son maître, nommé tantôt Israël tantôt Salem, lui montre les cuves à teinture et lui enseigne les particularités de chaque couleur.Puis il lui remet plusieurs étoffes somptueuses apportées par de riches patriciens, expliquant comment chacune doit être teinte d'une couleur spécifique. Après lui avoir confié ce travail, le maître part dans les bourgades alentour faire sa tournée. Pendant ce temps, Jésus, oubliant les consignes du teinturier et pressé de retrouver ses parents, plonge toutes les étoffes dans une même cuve et rentre chez lui. C'était une cuve de teinture bleue (ou noire, ou jaune, selon les différentes versions). Quand le teinturier revient [...], il entre alors dans une violente fureur, court chez Marie et Joseph, gronde Jésus, se proclame déshonoré devant toute la ville. Jésus lui dit alors: "Ne t'inquiète pas , Maître, je vais rendre à chaque étoffe la couleur qui doit être la sienne."
Et le miracle s'accomplit!

"Longtemps la teinture en noir est restée un exercice difficile. Seul l'emploi de la noix de galle, matière colorante très chère, permettait d'obtenir de beaux tons uniformes, pénétrant profondément dans les fibres de la laine."

http://www.100100plantes.com/article-les-noix-de-galle-vous-connaissez-104826658.html

Galle du chêne

Les lois somptuaires

"En matière d'étoffes et de vêtements, tout est donc réglementé selon la naissance, la fortune, la classe d'âge, les activités: la nature et la taille de la garde-robe que l'on peut posséder, les pièces qui la composent, les tissus dans lesquelles celles-ci sont taillées, les couleurs dont elles sont teintes, les fourrures, les parures, les bijoux et tous les accessoires du costume. Certes, ces lois somptuaires concernent aussi d'autres domaines de la propriété [...] mais le vêtement en est le principal enjeu car il est le premier support de signes dans une société alors en pleine transformation et où le paraître joue un rôle de plus en plus grand."

"On doit à Matthäus Schwarz (1497-1576), riche banquier d'Augsburg, un curieux recueil de costumes le montrant aux différents âges de sa vie et constituant une sorte d'autobiographie. Sur cet vingt-trois des cent trente-sept images que contient le recueil, il apparait vêtu de noir, sa couleur emblématique, "parlante" avec son nom. Le livre des costumes de Matthäus Schwarz, Augsburg, 1520-1560. Paris, BnF."

"Dans les années 1400, [...] un nouveau violet voit le jour
[... obtenu]à partir d'une matière colorante nouvellement importée de Ceylan, de Java et des Indes tropicales: le bois de brésil (brasileum), qui sert également à produire de très beaux tons roses, et même certains orangés."

"Quelques décennies plus tard, les Européens trouveront en Amérique du Sud différents arbres tropicaux fournissant un bois ayant les mêmes propriétés tinctoriales que le brasileum mais à un degré encore plus élevé. Ils donneront à ce pays de cocagne possédant en abondance de tels arbres le nom de "Brésil"."

Guerre aux couleurs:

Liée au protestantisme à la fois dans les églises et dans les tableaux. La peinture calviniste et janséniste est chromophobique!

Emmanuel de Witte