21 février 2019

9/ Noir (1)


"Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide: il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme, et l'esprit de Dieu planait au-dessus des eaux. Dieu dit: "Que la lumière soit", et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne; il la sépara des ténèbres." Si l'on en croit les premiers versets de la Genèse, les ténèbres ont précédé la lumière, elles enveloppaient la terre lorsque celle-ci était encore privée de tout être vivant; l'apparition de la lumière était une condition obligée pur que la vie puisse apparaître sur terre: Fiat lux! Pour la Bible, ou du moins pour le premier récit de la Création, le noir a donc précédé toutes les autres couleurs. Il est la couleur primordiale, mais aussi celle qui dès l'origine possède un statut négatif: dans le noir, pas de vie possible; la lumière est bonne, les ténèbres ne le sont pas. Pour la symbolique des couleurs, le noir apparaît déjà, après seulement cinq versets bibliques, comme vide et mortifère."

Ainsi commence l'histoire de la couleur NOIR.

Au Paléolithique supérieur, l'homme a fabriqué le noir à partir de la combustion de végétaux (charbon) et de minéraux (oxyde de manganèse).

Grotte de Niaux (Ariège): charbon de bois

Lascaux: oxyde de manganèse
"Les deux noirs latins
Le latin classique possède deux mots d'usage courant pour désigner la couleur noire: ater, noir mat et inquiétant; niger, noir brillant et parfois valorisant."

C'est aussi la couleur de la mort:
Connais-toi toi-même. Mosaïque funéraire trouvée sur la villa Appia (San Gregorio), début du IIIe siècle. Rome, Museo Nazionale delle Terme.

L'Enfer, Satan et ses créatures:
Le noir est alors souvent associé au rouge et peut prendre la teinte bleu foncé, un "sous noir".
Le Satan peint par Hans Memling dans son Trityque de 1485


Fra Angelico, Le Jugement dernier, vers 1431-1432. Florence, Museo di San Marco.

Située au coeur du village de Zillis, en Suisse, l'église St-Martin est célèbre pour son plafond peint du 12e siècle. Composée de 153 scènes, cette fresque est la seule au monde qui a pu être presque entièrement conservée.





La tentation du Christ par le diable (1re tentation)




 "Le tympan de Conques, par exemple, qui a conservé quelques miettes de sa polychromie d'origine, témoigne de cette fonction du bleu dans l'iconographie romane."


Des animaux noirs, un bestiaire diabolique:



"Plusieurs fables antiques et médiévales racontent comment le corbeau, dont le plumage était autrefois blanc, est devenu un oiseau noir. Les raisons de ce changement diffèrent selon les versions, mais elles traduisent toujours une expiation: le corbeau a été puni soit d'avoir trop parlé soit de s'être trop vanté. Son plumage est signe de péché."










"Jusqu'à la fin du XIVe siècle, le chat est souvent regardé comme un animal fourbe et inquiétant, spécialement le chat noir qui trouve sa place dans le bestiaire du Diable. Par la suite, lorsqu'on comprend que le chat est plus utile que la belette pour chasser les rats et les souris, il a le droit d'entrer dans les maisons et deviendra peu à peu le compagnon familier que nous connaissons.
Chats noirs en procession. Miniature d'un bestiaire anglais du milieu du XIIIe siècle. Oxford."  
 "Vénéré par les Celtes et les Germains, le sanglier devient pour le christianisme médiéval un animal diabolique.Son pelage sombre, ses soies hérissées, ses défenses semblables à des cornes et sa fureur écumante en font une créature infernale. Les traités de vénerie se plaisent à énoncer à son sujet dix propriétés qui sont assimilées aux dix commandements du Diable.
Les Dix Propriétés diaboliques du sanglier. Miniature d'un manuscrit du Livre du roi Modus et de la Reine Ratio, de Henri de Ferrières, 1379, Paris, BnF."

 "Les traités de vénerie médiévaux distinguent les bêtes "rouges" (cerfs, daims, chevreuils) et les bêtes "noires" (sangliers, loups, ours, renards). Plus que la couleur de leur pelage, ce sont leurs mœurs qui leur valent ces épithètes: les premières sont douces, herbivores, non agressives; les secondes sont féroces, carnivores, "puantes" et diaboliques.
Ours dans la forêt
Miniature d'un manuscrit du Livre de la chasse de Gaston Phébus
début du XVe siècle.Paris, BnF."

Les blasons

"...les couleurs n'existent qu'en nombre limité (six d'un usage courant au Moyen Âge) et portent dans la langue française du blason des noms particulers: or (jaune), argent (blanc), gueules (rouge), azur (bleu), sable (noir) et sinople (vert)."
"Le noir n'est ni la plus fréquente (rouge), ni la plus rare (vert). Il est présent dans environ 20 à 25 % des armoiries européennes."





Armorial de l'Europe et de la Toison d'or, vers 1 434 - 1 435.
Paris, bibliothèque de l'Arsenal.

"Étymologiquement, le mot sable vient des langues slaves (sobol, sabol) et désigne la fourrure de la martre zibeline, la plus belle et la plus chère des fourrure faisant au Moyen Âge l'objet d'un grand commerce. D'un noir profond et immaculé, elle est importée de Russie et  de Pologne vers l'Occident, où elle devient à la mode dans le vêtement royal et princier au cours du XIIIe siècle, contribuant ainsi, elle aussi, à la revalorisation de cette couleur, à qui elle finit par prêter son nom."

"Au XIIIe siècle, dans les romans de chevalerie, le noir est devenu la couleur du secret. Il va le rester longtemps: six siècles plus tard, en 1 819, dans son célèbre Ivanhoé, roman de chevalerie exemplaire et l'un des plus grand secret de librairie de tous les temps, Walter Scott met en scène un mystérieux chevalier noir qui, le temps d'un tournoi, aide le héros et son camp à remporter la victoire."




Keu et Gahariet sont attaqués par Marc et Andret. 1440-1460. 
Roman de Tristan en prose, Maître  Charles de Maine (15e siècle), enlumineur.

un peu de vocabulaire:
apotropaïque: qui conjure le mauvais sort.





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