01 juillet 2018

30/ Les Passeurs de livres de Daraya

C'est en tombant sur cette photo en octobre 2015, sur le facebook de Humans of Syria, et surtout en en lisant la légende, que Delphine Minoui, grand reporter au Figaro, décide d'en retrouver l'auteur:
https://www.facebook.com/HumanOSyria/

une bibliothèque secrète au coeur de Daraya

S'ensuivent des liaisons via skype et what's app avec Ahmad, le photographe en question, qui va nous conter la fabuleuse histoire d'une résistance, pacifiste ou armée, face aux forces de destruction massive développée sous les ordres de Bachar al-Assad. Une bibliothèque clandestine depuis fin 2013, face à la barbarie et la mort.

"- Notre révolution s'est faite pour construire, pas pour détruire."p.18
"- Les livres, c'est notre façon de rattraper le temps perdu, d'effacer à jamais l'ignorance, énonce-t-il à mi-voix." p.24
"Pour lui, ce lieu n'est pas seulement un espoir de guérison, c'est aussi un sas de respiration. Une page d'espoir dans le roman noir de la Syrie."p.27

D'autres activistes insoumis, Abou, Omar, Shadi, Hussam, vont se succéder devant la webcam et ainsi partager leur goût pour les livres, passion toute récente pour certains, leurs réflexions et leur courage.
Daraya, la ville rebelle, a résisté à la dictature tant qu'elle a pu, mais elle a su résister également aux intégristes.
Récit bouleversant, on enrage de voir à quel point le combat est inégal, à quel point, les autorités internationales , comme d'habitude, les laisse tomber. Et eux gardent espoir après avoir compris qu'un autre monde était possible, et, comme la Révolution française, cela prendra du temps...

"- La guerre est perverse, elle transforme les hommes, elle tue les émotions, les angoisses, les peurs. Quand on est en guerre, on voit le monde différemment. La lecture est divertissante, elle nous maintient en vie. Si nous lisons, c'est avant tout pour rester humain." p.49

et p.90, l'auteure nous donne la traduction de ce qui est écrit sur le dessin mural, qui sert de couverture au livre:
"Avant, on blaguait en disant: pourvu que l'école s'effondre. Et elle s'est effondrée."
et en lettre de sang, l'élève est en train d'écrire "Daraya" qui signifie "nombreuses maisons"...

Quelques uns des livres de Daraya:
L'Alchimiste, de Paulo Coelho
Al-Muqaddima (Le Livre des exemples), d'Ibn Khaldoun (historien tunisien qui tente de déterminer les causes de la montée et du déclin des dynasties arabes)
Le Petit Prince, de Saint-Exupéry
La Coquille (Al-Qawaqa'a), de Moustafa Khalifé (récit à la première personne des douze années de détention dans la  "prison du désert", la redoutable prison de Palmyre. Est traduit de l'arabe chez Actes Sud.)
Les Misérables, de Victor Hugo
Les sept habitudes des gens efficaces, de Stephen Covey (manuel de développement personnel, "Ce livre nous est précieux, précise Ahmad. C'est un peu notre boussole"p.83)





"Debout sur une petit scène improvisée, deux chanteurs entonnent des airs connus dans un micro. Comme un seul corps, la foule se met à fredonner une mélodie chargée d'allégresse. "Jenna! Jenna!" Paradis! Paradis! Je reconnais ce refrain, c'est le refrain de leur révolution, qu'ils ont ressusité au fond de leur sous-sol.
"Jenna! Jenna!"répètent-ils en choeur. L'appel lancinant d'une espérance. Le baume d'un chant, celui de la liberté, rescapé des profondeurs de la cité."

Un livre indispensable!

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