23 avril 2018

15/ Mon traître

Antoine, luthier parisien, rencontre l'Irlande en 1977. Grâce aux hommes et aux femmes qu'il rencontre, il va apprendre les gestes, les chants, les combats au point qu'il devient Tony pour ceux qui lui sont devenus proches: Cathy, Jim, Tyrone Meehan (le traître), Sheila, Jack..., si proche que parfois, il remplace le fils perdu, tué par les Anglais et vient en aide comme il peut aux combattants. Pour ses proches français, il devient insupportablement monomaniaque et n'est plus le bienvenu.
 Tyrone Meehan fait l'admiration de tous par son courage et sa droiture, il est l'un des piliers de l'IRA, et lorsque les Anglais révèle son nom parmi leurs informateurs, c'est une véritable bombe qui explose pour son entourage. Ils deviennent alors la femme, le fils, l'ami du traître.
Récit douloureux d'une trahison, qui n'apportera pas de réponse au pourquoi, que le narrateur refusera de poser. Comment ont-ils pu ignorer, ne déceler aucun signe de fausseté dans leurs relations? Peu importe les raisons, la douleur est dans les tripes et l'on sent qu'elle y est encore. Mais cela reste un chant d'amour pour l'Irlande et ses beautés (sa musique, sa Guinness, ses liens d'amitié).

"La première fois que j'ai vu mon traître, il m'a appris à pisser. C'était à Belfast, au Thomas Ashe, un club réservé aux anciens prisonniers républicains."

C'est une photo qui sera son premier contact avec l'Irlande:


 "Dans le couvercle, il avait collé la photo noir et blanc d'un homme en veste et en gilet, le front largement dégarni, les sourcils épais et la moustache lourde. L'homme semblait sourire. Il portait une chemise à col rond.
- Je vous présente James Connolly, a dit Pêr, en levant l'étui à hauteur de ses yeux.
- Un violoniste? j'ai demandé.
Pêr a ri. Il aurait pu, mais non. C'était un patriote irlandais. Il avait été fusillé en 1916 par les Britanniques après l'insurrection de Pâques. Il avait attaqué la grande poste de Dublin avec ses hommes pour en faire un quartier général. Et ça avait mal tourné."

Une autre figure deviendra l'emblême de la résistance au colon britannique et face à une Thatcher inflexible:

"Par ce jeûne à mort, les prisonniers républicains mettaient fin à cinq ans de "protestation des couvertures" et à une "grève de l'hygiène" pour rien.
Bobby Sands était l'officier de l'IRA commandant Long Kesh, condamné à cinq ans pour possession d'une arme. Il avait décidé de conduire le mouvement. Une semaine après, un autre le rejoindrait. Puis un troisième. Et puis un quatrième. Et un cinquième remplacerait le premier décédé. Et un sixième prendrait la place du deuxième martyr. La liste de volontaires établie à l'intérieur de la prison s'étalait en dizaines, puis en centaines de noms. Le visage souriant de Bobby Sands a rejoint la lettre "H" sur chaque brique de la ville."

 
Cette lettre "H" symbolisait la prison où étaient enfermés les républicains à cause de la forme des bâtiments, construits en "H":


Un film de Steve MAC QUEEN a retracé leur terrible agonie, Michael Fassbender interprétant le rôle de Bobby Sands. 


Après avoir été adapté au théâtre, c'est aujourd'hui en BD que Pierre Alary offre sa version de "Mon traître".


Antoine le luthier, c'est bien sûr Sorj Chalandon, alors journaliste à Libération. Le vrai traître se nomme Denis Donaldson. Il sera assassiné en avril 2006. Début 2018, un homme a été entendu à propos de ce crime, mais il a été relaxé. Le ou plutôt les responsables n'ont toujours pas été arrêtés.
Denis Donaldson

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