01 mars 2018

11/ Être ici est une splendeur


"Écoutez la jeune épousée: "La pureté de la femme, c'est encore une de ces bêtises délicates! Qu'est-ce que cette idée contre nature?... Qu'est-ce que ces insanités? Et pourquoi nous élevez-vous d'une main jusqu'aux étoiles pour nous attirer de l'autre sur la terre? Ne pouvez-vous nous laisser cheminer sur cette terre, côte à côte avec l'homme? Il nous devient impossible de nous mouvoir avec sûreté au milieu de toute cette prose... Laissez-nous donc tranquilles, pour l'amour de Dieu, laissez-nous tranquilles!"

"Paula a laissé tomber la perspective. Elsbeth est à plat sur la plaine. Elle est haute exactement comme la digitale. Les poules sont devant son torse. L'herbe, le bois et le ciel font trois bandes de couleur. Les pieds sont dans les racines. Le visage incliné est un infini vers l'enfance. La robe explose de blancheur. Aucune ombre. Comment a fait Paula pour donner à ces petites joues, à ces petits bras, le relief doux et rond absent du reste de la toile? Elle a mis vingt-sept ans - elle a mis toute la vie."

"1902. Une jeune fille devant une fenêtre. Le visage est encadré de deux vases. Derrière, les arbres, et toujours la colline en triangle. Le visage est penché, le regard ailleurs, mélancolique et pensif.


Paula l'a peinte sur une plaque d'ardoise. De ce support singulier, il semble que la robe, les vases, les yeux, tirent un gris sombre. Le visage est fendu par une fine cassure. L'ardoise est fêlée. Le tableau est intransportable. Il m'est arrivé de retourner à Brême seulement pour le voir."


Très beau portrait d'une artiste oubliée, Paula M. Becker à l'aube du XXe siècle. Oubliée parce que femme? Parce que partie trop jeune des suites de son accouchement difficile? Libre et talentueuse, elle fut une femme très en avance sur son temps et on ne peut qu’approuver ses paroles ultimes "Dommage!", mais heureusement, il reste ses œuvres, même incomplètes et un musée à Brême qui porte son nom!
Musée Paula Modersohn Becker
Paula et Otto Modersohn, son mari


Ses amis: Clara Westhoff, sculptrice, et Rainer Maria Rilke, poète







Buste de Paula, réalisé par Clara
Heinrich VOGELER
"Vogeler lui consacra courageusement, en 1938, un article dans un magazine antinazi."












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