14 janvier 2018

3/ Vernon Subutex Tome 2

Attention ça décoiffe! Regard très affûté sur notre société, le milieu bourgeois parisien. Ce n'est pas désespérant mais plutôt grinçant.
Le roman traite tellement de notre époque que je me demande quel regard auront les futures générations de lecteurs sur ce livre... Politique? sociologique? ethnologique? Beaucoup de thèmes sont abordés et Virginie Despentes ne prend pas de gants: ça fait du bien!

Quelques extraits:

"Quoi qu'ils en disent, les prolos d'aujourd'hui voudraient tous être nés du bon côté du manche. A Lessines, où il a grandi, les sirènes des carrières rythmaient le temps. On méprisait les bourgeois du haut de la ville. On ne buvait pas avec le patron. C'était la loi. Dans les bistrots, ça ne parlait que de politique, la haine de classe nourrissait une véritable aristocratie prolétaire. On savait mépriser le chef. Tout cela a disparu, en même temps que l'amour du travail bien fait. Il n'y a pus de conscience ouvrière. Tout ce qui les intéresse, les gars, c'est ressembler au chef. Un mec comme Laurent, si on lui laissait carte blanche, ce qu'il désire n'est pas de forcer les nantis à partager mais d'entrer dans leurs clubs. Uniformités des désirs: tous des beaufs. Ça fera de la bonne chair à canon, ça." (p.29)

"- T'es allée à aucune manif pour le mariage gay?
- Pas mon genre.
- Ma meuf ne m'a pas laissé le choix, je l'ai suivie à la première. Il faisait beau. On partait de Bastille. J'ai tenu jusqu'à Hôtel-de-Ville, je me suis arrêtée en terrasse et j'ai regardé passer les gens.
- Méfie-toi de ta meuf. On commence par une manif et on termine enchaînée à des grilles d'ambassade à faire la grève de la faim.
- Elle est jeune. Elle est fougueuse. Je n'ai pas osé lui dire que je m'en foutais d'aller manifester. Je comprends qu'elle soit concernée... Tu n'imagines pas le nombre de gens qui se seront sentis obligés de nous dire qu'ils étaient contre le mariage gay. Et pas des cathos de droite, en plus. Les socialistes d'aujourd'hui, c'est vraiment des sans vergogne...
- Moi, je n'ai rencontré personne qui soit contre.
- Parce qu'ils n'osent pas t'en parler.
- Je préfère qu'ils s'abstiennent. Je suis contre le mariage gay, mais si j'entends un hétéro qui le dit, je le lynche.
- T'es contre?
- Le mariage? Bien sûr que je suis contre.
- Je te comprends. Notre génération, on est des gouines, des vraies, on a souffert pour ça et on ne veut pas ressembler aux hétéros connards.
- C'est pas ça, copine... l'adoption, la PMA, le mariage - je suis contre pour tout le monde. Je suis favorable à la stérilisation de l'ensemble de la population, dès la puberté. On est sept milliards. Tu crois pas que ça suffit comme ça? Il faut ralentir la cadence, urgemment. Je vois les gens avec des poussettes, je regarde leurs gueules, et je me dis: mais pourquoi? Qu'est-ce que vous croyez que vous faites, là, à vous reproduire? On n'a pas besoin de votre génétique à la con, arrêtez votre mégalomanie. Faites de la peinture si vous voulez vous occuper. Mais ne nous faites pas chier avec votre progéniture. Si on me demandait mon avis, je te collerais tout ça dans un stade: vasectomie, ablation de l'utérus, et rentrez tous chez vous... Sept milliards, et ils continuent d'infecter la planète... Le jour où on défile pour la stérilisation de l'humanité, tu me verras dehors tous les jours. Et pas en terrasse, j'aime autant te dire.
- Putain t'as raison. Ma meuf est trop réformiste. Je me laisse influencer. Ça me fait du bien de te voir, ça me fait une piqûre de rappel." (p. 278-279)
 [...]
"-Et ta petite copine, quand elle ne manifeste pas, elle est comment?
- Très mignonne, bombasse. Elle a vingt-cinq ans de moins que moi. En gros, dans la vie, elle attend, tandis que je me souviens."(p. 282)

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