01 septembre 2011

16/40: Démon

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Pierre Rothko, le narrateur, est grand reporter. Il part à la recherche de l'histoire de son père et de ses grands-parents. Se déroule alors l'histoire de l'Europe du XXe siècle avec son cortège d'horreurs. Sa quête le conduit en Tchétchénie, pays en guerre contre la Russie, et lui permet de rendre compte de l'état du monde aujourd'hui: pas très bien!

Intense et passionnant, mais les feuilles de mon livre se sont détachées jusqu'à la page 116!!!

p.99:

"Un ouvrier de Minsk dans le secteur automobile produisait environ la moitié de son collègue du Michigan. La classe ouvrière soviétique, à la différence de la classe ouvrière aux Etats-Unis, était souvent inapte. Pour une grande part, elle provenait de campagnes reculées, d’où elle était partie faute de pouvoir y manger à sa faim. Elle n’était pas qu’affamée, du reste ; elle était aussi insociable, querelleuse, alcoolique.

Klitch y était d’autant plus sensible que le portrait de sa famille correspondait à ce tableau de paysans attirés par la ville, à qui faisaient défaut non seulement les ressources, mais les manières les plus élémentaires. Dans ces conditions, mon grand-père, diplômé d’une des meilleures écoles d’électricité du pays, cherchait à policer ses ouvriers, luttant contre les maladresses, l’incompétence, l’absentéisme, les désertions, les rixes dans les vestiaires, les accidents, les dégâts causés aux machines, les vols d’outils. Pour cela, je suppose, il lui fallait rendre des comptes à Klitch. Mais cette explication ne suffit pas pour comprendre la présence – même discrète – de cet apparatchik dans l’histoire de mon père.

Les choses commencent à s’éclairer si l’on admet que Klitch a pu représenter pour lui une sorte de double bolchevique qui avait réussi. Un alter ego sur le mode héroïque. Un militant qui pouvait certes ressembler à beaucoup d’autres, mais en qui mon père avait psychiquement investi, aussi bien au cours des années 40 que plus tard, quand il quitta l’URSS et le berceau du stalinisme. Le jour de son départ, mon père était âgé de vingt-trois ans – c’était à peu près l’âge de Klitch quand, enfant, il le vit pour la première fois (probablement en 1938, lorsque son père obtint la direction de la fabrique Bosniev et qu’il invita à dîner le troisième secrétaire en compagnie d’autres notables)."

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