30 avril 2009

10/40: La stratégie des antilopes

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« La stratégie des antilopes » est le troisième volet des récits recueillis par Jean Hatzfeld sur le génocide rwandais.
Le premier « Dans le nu de la vie » rapportait le témoignage des survivants des marais, le deuxième « Une saison de machettes » était celui des tueurs.
Quelques années plus tard, les personnages des deux précédents ouvrages témoignent à nouveau. Le gouvernement et les pays riches leur imposent une réconciliation impossible ( si tous les bourreaux devaient être punis, l’économie et le pays ne s’en relèveraient pas ).
Récits terribles mais nécessaires.

« Que peut-on exprimer à celui qui vous a pourchassé ou que vous avez pourchassé à la machette, qui vous a abandonné et dénoncé, quand un destin rwandais, unique dans l’Histoire contemporaine, oblige les familles des victimes et les familles des tueurs, chefs, planificateurs à cohabiter immédiatement. Quand ce destin les contraint, sur un territoire surpeuplé, à reprendre les mêmes rôles. Les mêmes places qu’avant sur les parcelles attenantes, sur les bancs de l’église, empruntant les mêmes chemins à travers la forêt pour se rendre au marché, […] travaillant les uns pour les autres, donc dans l’obligation vitale de se parler. »

Eugénie s’était réfugiée sur la colline de Kayumba. Elle raconte :
« Au début, c’était amusant pour les tueurs parce qu’ils coupaient en grand nombre sans peine. Les premières victimes furent les mamans et leurs nourrissons, et les vieillards, puis les femmes et les petits enfants galopant. […]
On a commencé à six mille et on a fini à vingt. »
« Avant, j’étais fainéante en course, j’étais cultivatrice. […] C’était la chasse, on zigzaguait dans les taillis, on sautait par-dessus les cadavres. […]
Un jour, j’ai couru de neuf heures à quinze heures […]. Ce jour-là, la chasse a commencé à cent, elle a fini à trente, tous les autres ont été coupés au fur et à mesure. Après le génocide, je n’ai pas eu l’idée de m’engager en compétition à Kigali, mais maintenant je pense que j’aurais gagné toutes les médailles qui se seraient présentées, et plus loin jusqu’à Nairobi ou en Amérique. »

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