24 août 2018

38/ Poussière d'homme


Ce récit est une déclaration d'amour post-mortem. L'auteur s'adresse directement à l'homme aimé et perdu, raconte la douleur de cette perte définitive, douleur plus vive encore car incompréhensible, trop jeunes pour même pouvoir l'envisager. Il raconte aussi la rencontre, les premières vacances, les débuts d'une vie à deux, hélas trop brève, la maladie, la mort.
" Rien d'autre que la mort n'aurait pu nous séparer. Elle ne s'est pas gênée."

Bien que ce soit d'une grande tristesse c'est très beau, l'écriture douce et poétique rend le récit encore plus bouleversant. 

début:
"Ce dimanche 3 avril, au soir, tes jours d'homme m'ont filé est entre les doigts. Au presque commencement de ma vie, je t'ai perdu, toi avec qui je voulais la finir. Nous avions oublié d'être mortels, le temps nous a rattrapés. La voix blanche et la colère noire, j'ai eu beau t'appeler, tu étais déjà parti, loin. Ta vie, minuscule tourbillon de quelques lunes et soleils, cessait là de tournoyer, sur le rivage carrelé, blanc et glacé, d'un hôpital. Un an sans toi, il y a trop longtemps, il y a si peu. Mais l'absence se rit du temps, elle déchire les calendriers, dérègle les horloges, rend folles leurs aiguilles. L'absence est un compagnon fidèle qui coule désormais mes chemins d'exilés."



"Il m'apparaît que nous avons lâchement oublié de vivre avec la mort. Elle est cet objet encombrant que l'on enfouit au fond de soi. Nous la fuyons, la cachons, la nommons à demi-mot. Nous l'avons aussi dépouillée de ses rituels. En d'autres temps, la mort s'accompagnait de gestes qui venait de très loin et du partage le plus intime, on osait la regarder en face, longuement et lentement, pour mieux la dompter.
Parce qu'on craignait qu'elle ne ... plus jamais de la maison, on éteignait le feu, s'abstenait de balayer et veillait à vider les seaux et les récipients où elle aurait pu se tapir. On voilait les miroirs et on enlevait une tuile du toit afin qu'elle puisse s'échapper. Après s'être acquitté d'un jeu de porte ouverte ou fermée, on sortait de la maison pour appeler la mort et la convaincre de quitter les lieux. On sonnait le glas et, selon un circuit rigoureux, on prévenait tout le voisinage du décès de son proche. On voilait les ruches et prévenait même les animaux de la ferme de la perte du maître. Alertés, parents et voisins accouraient avec le souci d'accompagner le défunt. Les adieux duraient des jours et des jours. Aujourd'hui, on les expédie, entre deux rendez-vous, au cœur d'une ville qui ne sait pas se taire."



1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci pour les informations claires et précises.
Au moins, ça va plus vite que dans Game Of Thrones donc on ne perd pas son temps à vous lire.

Maintenant, il n'y a pas qu'à retourner faire le
ménage !