Recueil de poèmes préfacé par Francis Couvreux et illustré par Yvette Cathiard. "Ils partagèrent de grandes émotions, les musées, les homards et la même adresse pendant quatorze ans."
Bernard DIMEY est né en 31 à Nogent en Haute-Marne "où son père faisait des ciseaux et sa mère coupait les cheveux."
Il n'est jamais trop tard, mais c'est seulement aujourd'hui que je découvre ce poète, régional de l'étape! Bien sûr, j'ai toujours entendu parler, sans y être jamais allée, du
festival Bernard Dimey dont l'édition 2019 a lieu très bientôt: du 6 au 11 mai.
Le recueil s'ouvre sur le célèbre "Syracuse", chanté par Henri Salvador, finit à Paris, ses poèmes nous parlent de voyages, de bistrot, d'alcool, de Montmartre, des clodos, des paumés, d'amour, de mal de vivre et de mort. Chanté par les plus grands artistes français de son vivant (Reggiani, Montand, Mouloudji, Ferrat...), il est populaire dans le bon sens du terme. A découvrir!
LES VIEILLARDS
Les vieillards c’est pas beau, ça fout rien, ça fait d’l’ombre,
Qu’on les fout’ n’importe où c’est moche et ça encombre,
Les faire bosser macach’, c’est immoral comme tout,
Ça vous f’rait mal juger, montrer du doigt partout.
Alors on garde ça, juste un p’tit peu d’patience,
On les coll’ dans un coin où ça s’remarque pas,
C’est sage et ça dit rien, on sait pas c’que ça pense,
L’ plus triste c’est qu’ça bouffe et qu’ ça n’rapporte pas.
Quand j’rassembl’ les souv’nirs que j’ai de ma grand-mère,
Pauv’ femm’ qui finissait ses jours en déconnant,
Je m’rappell’ c’que ma mèr’ lui braillait si souvent :
« Tu n ’sais plus fair’ qu’un’ chos’, ramasser la poussière ! »
La viocqu’ répondait rien, ell’ rigolait tout’ seule
En mordillant ses ch’veux qu’ell’ ram’nait par devant,
Et mon pèr’ bougonnait, songeur en la r’gardant :
« Non content’ de m’fair’ suer, faut qu’ell’ s’fout’ de ma gueule. »
Et plus qu’ils sont toquards, plus qu’ils ont la vie dure,
En buter quelques-uns, pas question, y a des lois.
J’ai essayé un jour d’en s’mer un dans un bois,
Peau d’balle, essayez donc, ils vous r’vienn’nt en voiture
Les Huit Péchés Capitaux - Bernard DIMEY - 3. LA GOURMANDISE
TOUT
Tout ce qui se boit, se déguste, se mange, se caresse
La beauté même des fruits des femmes, des pêches, des homards
et le parfum musical d'un Bourgogne épanoui
qui fait d'une minute un univers de joie
TOUT
Tout ce par quoi le palais se réveille, se réchauffe, palpite et se rendort
Je visiterai des jardins aux odeurs de vanille où les lèvres des filles
auront la fraîcheur des premières cerises
Je veux que l'esturgeon laisse éclater
les fruits de son ventre sur ma table
et que j'y plonge un groin de sanglier content
TOUT
le sexe ouvert des effarouchés du sérail
et je suis Haroun Al Raschid
Mille et une nuits c'est bien peu
pour assouvir ma faim ma soif
l'éblouissement de mes yeux
L'ivresse
Mon cher amour l'ivresse
et le désir de mordre
à pleines dents
l'instant qui passe
Les parfums les saveurs
la floraison de tout
LA VIE
ROI DE RIEN
Je ne suis roi de rien, je règne sur le vent,
Sur des chemins perdus, sur des sables mouvants,
Sur d’anciens châteaux-forts et sur des cathédrales
englouties.
Je suis roi d’un soleil qui se meurt comme il peut,
J’ai l’air d’un vieux volcan refroidi peu à peu,
Je crois que ma parade à grands coups de cymbales
est finie.
Je ne suis roi de rien, ma couronne est en bois,
C’est scandaleux bien-sûr, c’est de mauvais aloi,
Je ne suis rien roi de rien mais je suis roi quand même
car je t’aime.
Alors le monde entier peut s’écrouler d’un coup,
J’ai le droit d’être pauvre et le droit d’être fou.
Je suis esclave et roi, je n’ai pas de problèmes
si tu m’aimes.
Je ne suis roi de rien que de mon avenir,
Qui n’est déjà plus rien qu’un désastre à venir,
Et l’intérieur de moi n’est plus qu’un paysage
en délire,
Je ne suis roi de rien, je suis comme un enfant
Qui reconstruit le monde en écoutant le vent.
Il ne me reste plus, je crois, que le courage
de te dire
que je t’aime
Je ne suis roi de rien mais je suis roi quand même
si tu m’aimes
encore un peu …